Au restaurant, un jour le mensonge,
Invita la Justice à dîner.
Elle accepta, curieuse de savoir
Qu'elle est la raison de cette amitié.
Sitôt assis, apaisant leur fringale,
Nos deux amis, sirotant leurs délices,
Se racontèrent comment ils se voyaient
Indispensables et si pauvre en malice.
Fin du repas, il faut payer les comptes.
C'est le Mensonge qui, des mains du garçon,
Prit sur lui-même de payer l'addition
Malgré le fait qu'il n'avait pas un rond.
Sans sourciller, il fixa la facture
En demandant au garçon la monnaie
Sur ce billet de cent dollar qu'il jure
Avoir remis à ce garçon distrait.
Grand désarroi et vive discussion,
Car le jeune homme jura bien que jamais
Il n'avait pris de lui quelque monnaie,
Qu'il s'agissait sûrement d'une extorsion.
Quand le restaurateur eût connaissance
De tous les faits et des accusations,
En voyant du Mensonge l'élégance
Il ne pouvait que lui donner raison.
Sur l'heure il demanda au serviteur
De bien vouloir laisser son tablier
Mais celui-ci, refusant son malheur,
Exhorta la Justice à parler.
Moi j'ai tout vu, et j'ai tout entendu
Mais malgré cela je ne puis parler.
Je me retiens, je suis bien obligé,
Car le Mensonge m'a offert le dîner.
Chers amis, apprenons de l'histoire
Qu'en ce monde on ne peut se confier.
Car la Justice ainsi que le Mensonge
Ici-bas sortent souvent pour dîner.